Le 14 octobre 1907 l’Inspecteur d’Académie écrit au préfet et lui annonce le décès par tuberculose du jeune Morel, élève maître à l’École Normale de Savenay.
Cela met le feu aux poudres.
Soutenues par le cercle pédagogique des instituteurs et institutrices de la Loire Inférieure les familles des élèves-maîtres adressent un courrier et une pétition au Ministre le 20 octobre 1907.
Monsieur le Ministre,
Les soussignés, dont les enfants sont élèves de l’École Normale d’instituteurs de la Loire Inférieure, ont l’honneur d’appeler votre bienveillante attention sur les faits suivants :
depuis longtemps, le vieil immeuble dans lequel est installée cette école, à Savenay, a été déclaré contaminé et dangereux par toutes les autorités compétentes, notamment, il y a trois ans, par M. le Docteur Bertin, médecin des épidémies, vice-président de la 1e commission sanitaire de l’arrondissement de Nantes, dans son rapport à M. le Préfet de la Loire Inférieure et, au mois de janvier dernier, par M. le Docteur Renault, de Paris, inspecteur général des services sanitaires, envoyé, par vous en mission à Savenay.
Il résulte des statistiques établies que, depuis 1887, 25 élèves au moins ont été frappés de tuberculose ; 24 sont morts, soit à l’école, soit dans leurs familles, quelques mois ou quelques années après leur sortie ; le 25e en traitement au sanatorium de Sainte-Feyre (Creuse). Depuis 1899 seulement, on compte 20 morts connues par suite de tuberculose : 2 en 1899, 2 en 1900, 2 en 1901, 2 en 1902, 2 en 1903, 5 en 1904, 2 en 1905, 2 en 1907. La dernière s’est produite le 10 octobre dernier. D’autres malheurs sont inévitables, peut-être à bref délai. Depuis la rentrée du 1e octobre courant, un élève est déjà reparti en congé chez lui. Deux autres ont dû rentrer dans leurs familles pour s’y faire délivrer un certificat médical constatant que leur présence à l’École Normale n’est pas un danger de contamination tuberculeuse pour leurs camarades. La liste pourrait être allongée.
Justement ému d’une si effrayante mortalité, vous avez décidé, Monsieur le Ministre, en juin dernier, que le vieil immeuble homicide de Savenay serait irrévocablement abandonné à la fin du mois suivant, et que l’École Normale d’instituteurs serait transférée à Nantes ou dans les environs, dans un des nombreux immeubles vacants dont dispose l’état ou qui peuvent y être loués. Nous savons, pour ne citer qu’un exemple, que le vaste et magnifique établissement de Toutes-Aides, à Doulon-lès-Nantes, était offert à bail, par le propriétaire, pour 4000 francs par an, avec les lits et tout le mobilier.
Nous savons aussi, hélas ! que votre décision n’a pas été exécutée ! Nos enfants sont rentrés à Savenay, à peu près dans les mêmes conditions d’insalubrité.
Le mobile de ceux qui ont réclamé le maintien du statu-quo jusqu’après l’installation d’un service d’eau pure, peut-être impossible, et la construction de la nouvelle Ecole Normale, c’est-à-dire, sans doute, pendant encore au moins cinq ou six années, ne peut-être que l’intérêt pécuniaire de quelques particuliers et de quelques commerçants de cette modeste agglomération isolée de moins de 1 500 habitants.
En retour, ceux-ci s’efforceraient de faire augmenter de quelques unités le chiffre de certains suffrages.
De tels intérêts peuvent-ils prévaloir sur celui de l’enseignement populaire dans la Loire Inférieure ? est-il juste de leur sacrifier de nouvelles et nombreuses existences humaines ?
Nous ne le pensons pas, Monsieur le Ministre, personne ne le pensera, ni en France, ni dans aucun autre pays civilisé.
Le transfèrement de l’École Normale à Nantes, dans un immeuble sain, comme le voulait votre décision de juin dernier, est possible en quelques jours.
Permettez donc, Monsieur le Ministre, à des parents justement alarmés, que la mort récente du jeune Morel a profondément émus, de solliciter de vous, de toute leur énergie, l’exécution immédiate de cette décision et de la fermeture définitive d’un immeuble condamné.
Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l’hommage de notre respectueux dévouement.
Cette lettre est suivi d’un liste de 68 noms qui ont signé la pétition. Ces parents d’élèves maîtres sont issus de tout le département et même de Vendée. Parmi eux 13 instituteurs, 3 gendarmes, 3 facteurs des postes pour les professions les plus représentées et 6 veuves.
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